La dernière venue du gouvernement palestinien à Gaza date du 20 avril 2015. Depuis, l’Autorité palestinienne n’a eu de cesse de dénoncer l’impossibilité qui lui est faite par le Hamas, le mouvement islamiste qui contrôle l’enclave palestinienne, de travailler sur place. Ce jour-là, les ministres de l’Autorité palestinienne n’avaient pas eu le droit de quitter leur hôtel : ils étaient bloqués à l’intérieur par les hommes du Hamas.
Le gouvernement est pourtant un exécutif « de consensus » : une équipe de technocrates officiellement acceptée par les deux partis après un précédent accord de réconciliation, l’accord du Camp de réfugiés de la plage, en avril 2014. Mais le Hamas n’a jamais cédé le contrôle de la bande de Gaza, allant jusqu’à empêcher les ministres de se rendre dans leurs bureaux.
Le retour du gouvernement ce lundi marque donc une étape importante dans le rapprochement entre les deux partis. Et l’exécutif vient, accompagné d’une importante délégation de hauts fonctionnaires en charge de différents secteurs : l’électricité, l’eau, l’environnement, les médias publics. Le gouvernement « de consensus » doit reprendre la gestion des affaires dans la bande de Gaza. Le chef du Hamas, Ismaïl Hanyeh, l’appelle à « assumer toutes ses responsabilités ». Et le mouvement islamiste s’engage cette fois-ci à le laisser travailler : « le Hamas a donné des instructions claires aux hauts fonctionnaires dans tous les ministères pour faciliter le transfert des responsabilités », assure Hazem Qassem, l’un des porte-paroles du mouvement. Et il souligne que les discussions avec l’Autorité palestinienne ont déjà commencé : « des délégations sont venues de Ramallah en fin de semaine. Nous avons commencé à discuter avec elles afin que ce transfert se fasse facilement ».
Pressions égyptiennes
De précédents accords de réconciliation ont déjà été annoncés entre les deux partis et sont restés lettre morte. Mais Hamas et Fatah assurent, cette fois-ci, de leur bonne volonté. Une volonté contrainte car les deux camps se trouvent sous pression. La bande de Gaza fait désormais face à une crise humanitaire. En raison des frictions entre Fatah et Hamas, les Gazaouis vivent depuis le mois d’avril avec trois à cinq heures d’électricité et d’eau par jour. Le taux de chômage avoisine les 50% : l’activité économique est ralentie. Le Hamas est contraint de s’ouvrir à de nouveaux partenaires. Et c’est vers l’Egypte, qui contrôle la frontière sud de la bande de Gaza, qu’il s’est tourné. Mais Le Caire est aussi un partenaire indispensable pour un président palestinien vieillissant et affaibli. Le régime d’Abdel Fatah al Sissi a aussi fait pression sur Mahmoud Abbas, menaçant de l’isoler sur la scène internationale, pour l’obliger à des concessions.
Mais beaucoup de méfiance règne encore de part et d’autre. « Nous attendons de voir quelle sera la mise en œuvre de ce nouvel accord, la concrétisation de la promesse du Hamas qu’ils cessent de gouverner Gaza », prévient Faysal Abu Shahla, un élu gazaoui du Fatah au Parlement palestinien. « Je suis un homme politique : je ne me fie pas tellement aux déclarations, je juge sur les faits ». Et de son côté, le Hamas attend également des gestes concrets de la part de l’Autorité palestinienne. Et notamment la levée des sanctions touchant la bande de Gaza imposées ces derniers mois : l’arrêt du financement des livraisons d’électricité et l’arrêt des livraisons de médicaments.
« Des mines sur la route »
La méfiance demeure alors que les points les plus sensibles n’ont pas encore été abordés. Et ces sujets de contentieux sont nombreux. « Il y a un certain nombre de mines sur la route vers la réconciliation », reconnaît Mkhaimar Abou Saada, professeur associé de sciences politiques à l’université al-Azhar à Gaza. En haut de cette liste, Mkhaimar Abou Saada place « le sort des fonctionnaires du Hamas à Gaza ainsi que la question de la sécurité : qui sera en charge ? Le Hamas ou l’Autorité palestinienne ? ». Et il poursuit : « il faut aussi se mettre d’accord sur une date pour les élections présidentielle et législatives et l’intégration du Hamas au sein de l’OLP ». Le mouvement islamiste revendique une place au sein de l’Organisation de Libération de la Palestine. Mais Hamas et Fatah ne se sont jamais accordés sur le nombre de sièges qui lui seraient attribués. Et le parti du président Mahmoud Abbas craint de perdre le contrôle sur cette structure représentant l’ensemble des Palestiniens, qu’ils habitent dans ou hors des territoires palestiniens. Un rôle stratégique : c’est l’OLP qui mène les négociations avec les Israéliens.
Conscient de la sensibilité et du nombre de sujets de désaccord, Mkhaimar Abou Saada estime toutefois que « les chances de réconciliation n’ont jamais été aussi bonnes ». Après dix ans de dispute, le contexte palestinien a changé. Mais le contexte international a également évolué : selon Nikolay Mladenov, l’émissaire des Nations Unies pour le Proche-Orient, Etats-Unis et Israël ne sont plus opposés à une réconciliation entre un Fatah, qui est leur interlocuteur dans les négociations, et un Hamas, mouvement qu’ils considèrent comme terroriste.